# Guide sur l’élevage sélectif du guppy : méthodes, plan d’élevage, sélection et entretien

# Guide sur l’élevage sélectif du guppy : méthodes, plan d’élevage, sélection et entretien

Guppy de sélection bleu pastel en aquarium
Élevage sélectif du guppy : définir un objectif, structurer un plan, suivre ses lignées et entretenir des conditions stables.

Guide sur l’élevage sélectif du guppy (Poecilia reticulata) : du choix des souches au programme de sélection

Très populaire et prolifique, le guppy accompagne les premiers pas de nombreux aquariophiles. Pour obtenir des guppys de sélection (jusqu’aux standards de concours), il faut toutefois un plan d’élevage, des souches de qualité, une méthode de sélection et une maintenance rigoureuse. Ce guide pratique détaille les étapes clés pour structurer votre programme, éviter les impasses et faire progresser vos lignées génération après génération.


1. Pourquoi viser l’élevage sélectif ?

Le guppy est courant en animalerie et souvent considéré comme « facile ». En réalité, parvenir à une forme, une couleur et une symétrie conformes aux standards exige une démarche structurée. L’élevage sélectif permet :

  • de stabiliser une variété (patron, forme de caudale/dorsale, intensité et répartition des couleurs) ;
  • d’améliorer l’équilibre général du poisson (ligne, port de nageoire, vitalité) ;
  • de prévenir la dérive (hybridations involontaires, perte de traits), courante lorsqu’on mélange des multicolores « passe-partout » ;
  • d’accéder aux concours et d’échanger des souches lisibles avec d’autres éleveurs.

2. Choisir des souches et démarrer sur de bonnes bases

Le point de départ conditionne la suite. Évitez les lots multicolores « premier prix » si votre objectif est la sélection. Recherchez des éleveurs spécialisés (clubs, associations, rencontres) et/ou des boutiques proposant des lignées identifiées. Idéalement, achetez un ou deux trios jeunes (1 mâle + 2 femelles) d’une même souche, plutôt que des sujets âgés.

À la réception, pratiquez une quarantaine : observation, alimentation progressive, paramètres stables. Notez l’origine, l’âge estimé, les traits distinctifs et, si possible, demandez au cédant les critères de sélection et le type de croisement utilisé jusque-là.


3. Fixer un objectif clair et mesurable

Un programme d’élevage hésitant donne des résultats aléatoires. Définissez un objectif unique pour les premières générations (ex. : augmenter la surface et la symétrie de la caudale), puis enchaînez sur un second (ex. : renforcer la saturation d’une couleur). Évitez d’optimiser tout à la fois.

  • Caractères de forme : type et angle de caudale (delta, épée), hauteur et tenue de dorsale, silhouette générale.
  • Caractères de couleur : dominance de teinte, propreté (absence de « sales »), netteté des bordures, présence/absence de mélanine sur zones clés.
  • Comportement/vigueur : nage soutenue, absence de déformations, croissance régulière, fertilité.

4. Construire un plan d’élevage (trios, calendriers, bacs)

Un plan simple et efficace pour démarrer :

  1. Bac souche 1 (20–60 L par trio) : reproduction contrôlée d’un trio jeune, suivi des naissances.
  2. Bacs de croissance (≥ 20–30 L) : séparer précocement les jeunes par taille pour homogénéiser la croissance.
  3. Bac mâles / bac femelles (40–60 L chacun) : éviter les repros non désirées, préparer la sélection.
  4. Bac reproduction sélectionnée : introduire le meilleur mâle et 2–3 femelles retenues pour produire la génération suivante.

Prévoyez un calendrier : sexage à 4–6 semaines, premiers choix à 8–10 semaines, sélection finale à 12–16 semaines selon croissance. Documentez chaque étape.


5. Sélectionner le meilleur mâle

Ne retenez pas automatiquement le premier mâle mature : la précocité ne garantit ni taille adulte optimale ni qualité de forme. Recherchez :

  • Symétrie et proportion de la caudale, tenue de dorsale, cohérence du port.
  • Motifs nets, couleurs saturées mais propres (sans bavures indésirables).
  • Vigueur : nage fluide, appétit, absence d’anomalies (colonne, mâchoire, nageoires).

Observez le mâle sur plusieurs jours, nourri correctement, pour éviter un biais lié au stress du transport ou à une journée « sans ».


6. Sélectionner la meilleure femelle

La meilleure femelle n’est pas forcément la plus « spectaculaire ». Elle doit transmettre les bons traits. Méthode efficace : accoupler plusieurs femelles à un même mâle retenu, élever les portées séparément et comparer objectifs (forme/couleur) et vigueur de la descendance. Conserver les femelles dont la progéniture exprime le mieux votre objectif.

Surveillez la fertilité et la qualité de mise bas. Écartez les femelles à portées systématiquement très faibles ou présentant des complications récurrentes.


7. Gérer la génétique : linebreeding, outcross, dérive

Pour stabiliser une lignée, on recourt souvent au linebreeding (accouplements au sein d’une même lignée avec un certain degré de parenté contrôlé) en surveillant les signes de consanguinité (vigueur en baisse, malformations, fertilité réduite). L’outcross (apport d’une lignée proche et compatible) redonne de la vigueur mais peut diluer des caractères. Procédez avec parcimonie :

  • Planifiez un outcross proche (même type de caudale/couleur) si la lignée montre des signes de fatigue.
  • Après outcross, re-sélectionnez strictement pendant 2–3 générations pour revenir à votre standard.
  • Évitez les apports trop éloignés qui obligent à « reconstruire » la lignée.

8. Maintenance d’élevage : eau, filtration, température, hygiène

La qualité de l’eau conditionne la croissance et la santé des poissons. Recommandations générales :

  • Filtration douce et biologique (filtre éponge à air, ou filtre interne avec mousse fine) pour préserver les alevins et héberger les bactéries nitrifiantes.
  • Changements d’eau partiels réguliers (ex. 20–30 % 1 à 3 fois/semaine selon densité et nourrissage), toujours à température proche de celle du bac.
  • Température d’élevage courante : ~23–25 °C (stabilité prioritaire), avec bonne oxygénation.
  • Plantes (mousses, Ceratophyllum, flottantes) pour refuges et équilibre.
  • Hygiène : siphonnage léger des déchets, rinçage des mousses dans l’eau retirée (jamais sous le robinet).

9. Nourrir pour la croissance sans polluer

Le potentiel génétique ne s’exprime que si la nutrition suit. Stratégie :

  • Alevins : 3–5 petits repas/jour. Priorité aux nauplies d’artémia fraîches, complétées par microvers/daphnies selon taille et par une poudre alevins de qualité.
  • Juvéniles : 2–3 repas/jour, aliments riches et variés (sec de qualité + vivant/congelé).
  • Adultes : ration adaptée à l’activité, limiter les excès pour garder une ligne correcte et une bonne fertilité.
  • Discipline : distribuer peu mais souvent ; retirer les restes ; adapter la fréquence aux densités.

10. Espace, densités et organisation des bacs

L’élevage sélectif prend vite de la place. Exemple d’organisation pour une seule souche :

  • 1 bac souche (ornement/repro maîtrisée),
  • 2–4 bacs de croissance (20–30 L),
  • 1 bac mâles, 1 bac femelles (40–60 L chacun),
  • 1 bac reproduction sélectionnée.

Des densités prudentes facilitent la croissance et réduisent les maladies. Mieux vaut plus de volume qu’un seul bac surpeuplé. Anticipez les départs (don, vente, échanges) des sujets non retenus.


11. Suivi des lignées : codes, photos, fiches, décisions

Un suivi rigoureux accélère les progrès :

  • Coder chaque lot (date, parents, bac) sur une étiquette étanche ;
  • Photographier à âge comparable (ex. 8, 12, 16 semaines) pour évaluer forme et couleur ;
  • Fiches de souche : forces/faiblesses, décisions de culling (élimination de sélection), plans d’accouplements ;
  • Journal : noter températures, paramètres, incidents, nourrissages particuliers.

12. Tri des jeunes, sexage et gestion des lots

Le sexage devient possible vers 4–6 semaines (début de gonopode chez les mâles, différences de morphologie/couleur). Le tri par taille homogénéise la croissance : les plus petits ne se font pas distancer. Un pré-tri mécanique doux est envisageable (contenants à fentes de plus en plus larges), en veillant à la sécurité et à un débit d’eau modéré.


13. Progression générationnelle : de F1 à F4 et au-delà

La stabilisation d’un trait exige du temps. Approche type :

  • F1 : observer les tendances générales, éliminer les défauts majeurs, retenir quelques couples prometteurs ;
  • F2 : resserrer la sélection sur l’objectif principal (ex. forme de caudale), comparer les fratries ;
  • F3 : consolider, commencer à intégrer un objectif secondaire (ex. saturation de couleur) si F2 est stable ;
  • F4+ : affiner, maintenir la vigueur ; envisager un outcross proche si des signes de fatigue apparaissent.

N’espérez pas des pourcentages massifs de sujets « parfaits ». Même avec une bonne base, les individus supérieurs à leurs parents ne représentent souvent qu’une fraction de la descendance. La patience et la constance paient.


14. Préparation aux concours : standard, présentation, transport

Si vous visez les concours, habituez-vous à lire un standard (forme de caudale, dorsale, motifs, homogénéité du couple/trio, vitalité). Entraînez vos poissons à la présentation (petits bacs clairs, lumière douce) sans stress.

  • Conditionnement les semaines précédant l’envoi (nutrition, changements d’eau réguliers, observation) ;
  • Choix des sujets : symétrie, tenue de nageoires, couleurs nettes, absence de défauts ;
  • Transport : sacs adaptés, oxygénation, isolation thermique, temps de trajet minimisé.

15. Erreurs fréquentes et comment les éviter

  • Démarrer avec des multicolores « au hasard » : impossible de stabiliser rapidement ; partez d’une souche claire.
  • Changer de cap en cours de route : un seul objectif à la fois, puis le suivant.
  • Sur-nourrir sans hygiène : source d’ammoniaque/nitrites ; préférez petites rations fréquentes et siphonnage.
  • Pondoirs exigus et stress de mise bas : privilégiez un bac dédié bien planté.
  • Consanguinité non surveillée : intégrez un outcross proche si la vigueur baisse, puis resserrez la sélection.
  • Manque d’espace : l’élevage sélectif prend de la place ; planifiez vos bacs.
  • Absence de suivi : sans fiches ni photos, la progression stagne.

FAQ

Par où commencer pour créer ma propre variété ?

Définissez un objectif unique (forme ou couleur), partez d’une souche identifiée, tenez un journal et sélectionnez strictement à chaque génération.

Combien de bacs sont nécessaires pour une seule souche ?

Comptez au minimum 4 à 6 bacs (souche, croissance, mâles, femelles, repro sélectionnée). Plus vous avez de volume, plus la sélection est confortable.

À quel âge sélectionner les reproducteurs ?

Premiers choix vers 8–10 semaines, sélection finale entre 12 et 16 semaines selon la croissance et le caractère visé.

Faut-il nourrir très souvent ?

Oui, mais en petites quantités et avec hygiène. Les alevins/juvéniles tirent profit de repas fréquents si l’eau reste propre.

Comment éviter la dérive des caractères ?

Évitez les croisements « au hasard », retenez les meilleurs sujets selon votre objectif, contrôlez la parenté et planifiez un outcross proche si nécessaire.

Que faire des sujets non retenus ?

Gérez une filière responsable : dons/échanges via clubs et associations, vente encadrée, ou maintien en bac d’ornement séparé. Ne relâchez jamais de poissons en milieu naturel.

À retenir : l’élevage sélectif du guppy repose sur un objectif clair, des souches adaptées, un plan d’élevage réaliste et une maintenance irréprochable. Avec méthode et patience, chaque génération vous rapproche d’une lignée stable et conforme à vos ambitions.

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